Boutons d'or : pourquoi sont-ils toxiques pour les chevaux ?
Les boutons d'or (genre Ranunculus), plantes herbacées communes dans les prairies humides et pâturages peu entretenus, sont jolies au printemps, mais potentiellement dangereuses pour les chevaux. Leur toxicité, liée à un composé chimique actif, soulève des enjeux de gestion des pâturages à la fois pour la santé animale et la préservation des écosystèmes. En général, les prés sont traités pour les éviter. Pourquoi, comment et à quel prix pour l'environnement ?
En quoi les boutons d'or sont-ils toxiques pour les chevaux ?
Les boutons d'or contiennent un composé toxique pour les chevaux.
Un principe actif irritant : la ranunculine
Les boutons d'or contiennent un glycoside, la ranunculine, qui se transforme en protoanémonine par hydrolyse lors de la mastication. Cette substance est hautement irritante pour les muqueuses digestives et la peau.
Selon plusieurs études phytotoxiques (ex. Kingsbury, 1964 ; Stegelmeier et al., 2003), la protoanémonine est responsable d'une inflammation aiguë de la bouche, de la langue et du tube digestif.
Symptômes cliniques observés chez les chevaux après ingestion en quantité
Chez les chevaux, l'ingestion de boutons d'or frais en quantité peut entraîner :
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salivation excessive,
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refus de s'alimenter,
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coliques,
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diarrhées parfois sanglantes,
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inflammation de la bouche (glossite, stomatite).
Des cas graves de troubles digestifs ont été rapportés dans des prairies envahies où les chevaux n'avaient pas d'autres sources d'alimentation. Cette dernière précision a son importance : "la dose fait le poison", mais aussi les conditions de l'exposition au poison.
La sécurité relative du foin
La protoanémonine est instable à la dessiccation. Les boutons d'or perdent leur toxicité en séchant, ce qui explique pourquoi leur présence dans le foin est généralement sans danger. Toutefois, leur abondance dans les prairies peut indiquer un problème de fertilité ou un problème de gestion du sol.
Pourquoi les boutons d'or prolifèrent-ils parfois dans les prés des chevaux ?
Les boutons d'or prospèrent dans les sols acides, humides et compactés. Leur présence excessive signale souvent :
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une suralimentation en matière organique (lisiers, fumier mal composté),
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une faible portance du sol avec stagnation de l'eau,
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un déficit en entretien précoce (scarifiage, roulage, hersage).
Ils sont peu concurrentiels face aux graminées bien implantées, mais deviennent dominants si le couvert végétal est clairsemé.
Traitements traditionnels des prés : une approche chimique controversée
Les traitements ont évidemment un prix pour l'environnement.
Herbicides sélectifs : efficacité mais impact environnemental
Les agriculteurs utilisent traditionnellement des herbicides à base de MCPA (acide 2-méthyl-4-chlorophénoxyacétique) pour cibler les boutons d'or sans détruire les graminées. Bien qu'efficaces, ces traitements posent des problèmes :
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Risque de contamination des eaux par lessivage.
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Toxicité pour la microfaune du sol et les insectes pollinisateurs.
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Nécessité d'une fenêtre de retrait pour l'accès des animaux (généralement 2-3 semaines).
L'usage répété peut de plus déséquilibrer la flore du pâturage et favoriser d'autres adventices (mauvaises herbes).
Alternatives naturelles et agro-écologiques
De nombreuses pratiques alternatives, validées par la recherche agronomique (INRAE, Teagasc, DEFRA), permettent de contrôler les boutons d'or sans nuire à l'environnement ni à la santé des chevaux.
1. Fauche précoce et régulière
La fauche au stade rosette ou au début de floraison empêche la mise à graine et affaiblit les plants. Elle doit être pratiquée avant la montaison, en avril-mai.
2. Réensemencement des prairies
Un réensemencement avec des mélanges à base de graminées (fêtuques, dactyle, ray-grass) et légumineuses (trèfle blanc, luzerne) favorise une couverture dense et concurrentielle. Un sol bien végétalisé limite la recolonisation.
3. Amendements calco-magnésiens
Les boutons d'or affectionnent les sols acides. Un apport de chaux magnésienne ou de litière calcaire permet de relever le pH et de modifier les conditions édaphique en défaveur du Ranunculus.
4. Drainage et ameublissement
Les travaux de drainage ou de sous-solage réduisent l'humidité excessive et la compaction, deux facteurs favorables à la plante. Une meilleure infiltration de l'eau favorise aussi la croissance des graminées.
5. Pâturage tournant et gestion de la charge animale
Un pâturage bien géré permet de limiter le surpiétinement, qui expose le sol nu aux plantes envahissantes. Laisser un temps de repos suffisant entre deux passages favorise la résilience du couvert.
Vers une gestion intégrée, durable et respectueuse du cheval
Les boutons d'or ne posent pas un danger s'ils sont rares et que le pâturage est diversifié. Mais en cas de pullulation, ils représentent un véritable risque toxique pour les chevaux. Si les herbicides offrent une solution rapide, ils sont à utiliser avec discernement.
Les approches naturelles — amendements, réensemencement, drainage, pâturage tournant — s'intègrent dans une stratégie agro-écologique et respectueuse de la santé équine. Elles permettent de restaurer durablement l'équilibre des pâturages tout en réduisant l'empreinte environnementale de l'élevage.
Sources principales : Kingsbury JM, Poisonous Plants of the United States and Canada (1964) ; Stegelmeier BL et al., Plant Toxicology in Veterinary Practice (2003) ; publications INRAE (Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement) ; DEFRA (UK Department for Environment, Food & Rural Affairs).